La nuit est déjà tombée lorsque s’ouvre la porte du 11 rue Carducci, quartier général de l’Atelier WOA situé à la lisière des Buttes Chaumont.

 

Agence - Atelier WOA

L’intérieur est paisible, le bois est partout.
La journée de travail s’achève.

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Seul sur la mezzanine qui surplombe le jardin, un architecte s’attarde encore devant son écran.

Nous pénétrons dans l’espace de vie de l’atelier, où une revue de projet bat son plein.

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Projetée en grand sur le mur, c’est la façade d’un immeuble de bureau qui se retrouve ce soir sur le ring.
Les échanges sont tapageurs, animés. On se lève pour expliquer avec les mains.
Les éclats de voix sont entrecoupés de silences songeurs.

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A l’Atelier WOA, même si les avis divergent, personne ne quittera la table avant d’avoir trouvé un consensus.

Agence - Atelier WOA
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« C’est aussi comme ça qu’on a voulu l’agence dès sa création : un endroit qui laisse à chacun la place de défendre son opinion. Y compris au client. Mais à la fin, c’est toujours l’intérêt du projet qui prime. » Samuel Poutoux, associé fondateur de l’atelier WOA en 2012 aux côtés de ses comparses Rémi Crozat et Marc-Henri Maxit, a le verbe vif, précis. « S’écouter et se respecter mutuellement, c’est la base de notre profession. Chez WOA, on aime parler de co-conception avec le client, mais ça vaut aussi avec les autres corps de métier. D’ailleurs à l’agence, on est convaincus de la plus-value de notre approche pluridisciplinaire : architecture, économie, ingénierie, pilotage de chantier. Ça nous donne la capacité de parler vrai avec tous les acteurs du bâtiment, et de ne pas rester captifs d’une vision trop rigide ou trop romancée du projet d’architecture ».

Attablé près de lui, Julien Dechanet, acquiesce. Son arrivée comme architecte au sein de la famille WOA remonte pour sa part à 2016, il y a six ans ; trois ans plus tard, il devient associé. S’attarder sur ce parcours, c’est souligner le fait que l’atelier n’a pas de collaboratif que le nom : la transmission y est centrale. Avec, en ligne de mire, une envie d’agir intense et l’ambition de s’inscrire « sur le temps long » des générations à venir. Cette réflexion sur l’héritage – celui des savoirs, celui des espaces- se reflète dans la production de l’agence : « Le bois a été notre porte d’entrée » explique avec passion Marc-Henri Maxit, que les racines savoyardes ont très tôt poussé vers les forêts. « La modularité des systèmes bois a été propice à engager, très tôt, une réflexion sur le futur des bâtiments. Naturellement ça nous rend, aujourd’hui, particulièrement sensibles aux problématiques de reconversion et de réversibilité ».

Ainsi est en effet l’architecture « WOA » : sensible. A son environnement, au déroulé du monde, à la vie des gens qui l’habitent… mais aussi à celle des gens qui la font, la construisent, l’assemblent et la bâtissent. « A ceux qui nous interrogent, on a l’habitude de répondre qu’on dessine des ‘bâtiments avec vie’ » sourit Rémi Crozat, quatrième architecte associé à l’origine de l’épopée WOA. « Même si en réalité, il serait plus exact de parler de ‘vies’ au pluriel car ce qu’on souhaite vraiment, c’est concevoir des espaces appropriables par le plus grand nombre. Et suffisamment flexibles pour se réinventer plusieurs fois, pour avoir plusieurs vies ».

La compétence bois, qui a permis à l’agence de se faire connaître à ses débuts, n’est plus que l’une des nombreuses facettes qui composent son expertise. Samuel Poutoux : « Nous ne sommes pas des extrémistes du bois. Nous préférons être du côté de l’intelligence constructive et de l’agilité, et avoir recours à des solutions mixtes qui tirent le meilleur parti de toutes les conditions du projet ».

Ceux qui se décrivent encore comme « une jeune agence » ont pourtant déjà bien des réussites dans le rétroviseur. La livraison, à l’été 2022, du spectaculaire siège social de l’Office National des Forêts à Maisons-Alfort, réalisé en co-conception avec l’agence VLAU, témoigne de l’attention sincère portée par les architectes aux usages du bâtiment. Au même moment et en dépit des difficultés liées à la pandémie, l’agence réussit l’exploit de livrer en dix-huit mois seulement un projet de résidence étudiante sur le plateau de Saclay, mettant ainsi leur expertise croisée des matériaux, de leur mise en œuvre technique et de l’économie globale du bâtiment au service du projet. C’est manifeste, l’atelier WOA maîtrise son sujet.

C’est ici, à vrai dire, que réside le paradoxe « WOA » : son franc-parler, l’immédiate camaraderie dont ses membres font preuve et le pragmatisme (« très ingé-techos », comme ils aiment à plaisanter) dont on les targue ne constitue, en vérité, que la couche superficielle d’une pratique par ailleurs admirablement complexe. Une pratique où expertise technique et sensibilité architecturale ne s’excluent pas, mais convergent au contraire dans la recherche, simplement, de l’équilibre ‘juste’.

Refusant systématiquement toute étiquette qu’on serait trop prompt à leur coller, l’atelier WOA prend le temps de tisser, au fil des projets, un propos théorique puissant qui réconcilie culture, technique et artisanat. Sa capacité à mettre en récit l’acte de construire convoque des sujets pointus, allant de l’histoire des filières industrielles aux contextes géopolitiques contemporains, en passant par l’étude prospective des climats. « Régulièrement, il faut par exemple qu’on ré-explique que l’utilisation de tel ou tel matériau ne se résume pas au chiffre sur un bilan carbone » regrette Julien Dechanet. « Pour le bois par exemple, on aime confronter les cinq ans du projet de construction aux quarante années qui le précèdent, nécessaires à la maturation de l’arbre. Renouvelable ne veut pas dire immédiat, ni infini. ».

Projet après projet, l’atelier déploie une pensée exigeante, où le détail d’assemblage d’un matériau est aussi important que l’histoire du geste qui le façonne. Une façon fraîche et joyeuse de penser l’avenir tout en continuant de prendre soin du présent, et de soutenir que l’on peut parler d’architecture de façon différente, par le prisme des matières, des ressources ou des métiers. Pari ambitieux ? Qu’importe. A l’atelier WOA, on est convaincus que la construction doit surtout rester une histoire à écrire.

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